Overwatch 2 et la culture du viol

TW : cet article traite de la culture du viol dans le milieu du jeu vidéo, les exemples donnés sont fictifs, même si ils sont le reflet de notre société.

 

En jouant tranquillement à Overwatch 2, on a croisé une partie au nom qui nous a interpellé : «Simulateur de harcèlement sexuel». Le but du jeu ? Que les personnages masculins tuent les filles pour les violer. Si vous voulez en avoir un aperçu, c’est ici :

On peut trouver cette game dans « la Forge » d'Overwatch. La Forge est un éditeur personnalisé qui permet à n’importe quel·le joueur·euse de paramétrer sa propre partie, avec ses règles, personnages jouables et également ses propres textes. Le tout accessible publiquement.

 

Petite visite guidée…

Arrivé·e dans cette game trois choix de personnages s’offrent à toi: Jesse McCree, Hugo Johnson et Mohammed. Des noms tirés d’affaires de violences sexuelles, ou, dans le cas de Mohammed, du bon vieux racisme. Tu choisis ton « criminel » et c’est parti pour croiser plusieurs personnages féminins que tu pourras assommer et violer par la suite.

Si tu es «chanceux» (oui, cette explication nécessite beaucoup de guillemets), elle accouchera 9 mois plus tard d’un Torbjorn, personnage de nain dans le jeu (bonjour le validisme).
Les personnages féminins sont aussi joués par de vraies personnes! Pour elles deux actions possibles : courir ou subir.

Il nous semble utile de préciser à ce stade qu’Overwatch 2 est recommandé à partir de l’âge de 12 ans.

 

 

Quand l’appel au viol s’inscrit dans une culture

Nous pouvons donc dès 12 ans faire l’expérience du harceleur et violeur par avatar interposé. Le crime sexuel à l’égard des femmes est encouragé par la mécanique du jeu. L’acte ainsi que ses conséquences sur les femmes prêtent même à rire. En minimisant le viol et en s’en moquant, le jeu fait l’apologie de ce que l’on appelle la culture du viol.

La culture du viol, c’est l’ensemble des pensées, des représentations, des discours et des comportements qui excusent, minimisent, banalisent, érotisent voire encouragent la violence sexuelle envers les minorités de genre. Dans le gaming, c’est partout, tant dans les représentations que dans les interactions médiatiques :

La sexualisation des personnages fictifs est présente dans les jeux et les communautés de fan. On peut citer la fameuse « règle 34 » d’internet qui dit que «si ça existe, il en existe une version pornographique». Que votre personnage soit mineur n'y changera rien.

Pour dire qu’on a triomphé d’un adversaire, on entend souvent dire qu’on l’a « bien violé ».

Pour les joueuses, streameuses et personnalités publiques d’internet c’est aussi omniprésent. On peut penser à Juju Fitcats qui a fait une vidéo pour dénoncer les jeux vidéos pornographiques à son effigie qu’on peut trouver sur internet, ou bien les montages photos reprenant le visage de la streameuse Maghla pour l’intégrer à des images  pornographiques (deepfake).  Article disponible ici.

Chez WitchGamez on a aussi recueilli de nombreux témoignages de joueuses victimes d’insultes à caractère sexuelles ou de menaces de viol. C’est tellement récurrent qu’on en a même fait un haut fait illustré à propos des fanarts sexualisés non désirés!

 

La culture du viol comme outil de domination

La culture du viol passe par des représentations, par un gameplay, par des paroles ou des actes. Et elle impacte toutes les minorités de genre, directement ou indirectement, car elle crée les conditions d’une société sexiste qui soumet le corps des femmes aux hommes. Ce corps est supposé être disponible aux hommes. Cela justifie, d’une part, qu’il puisse être sexualisé, sans d’autre vocation que d’être un objet de désir qui leur appartient, et d’autre part qu’il puisse être humilié.

 

Une invitation à transposer le viol IRL

Dans ce « Simulateur de harcèlement sexuel », la volonté de rendre le crime sexuel réaliste va jusque dans le choix des personnages : il fallait des violeurs crédibles (en cela le choix de Muhammet pour véhiculer un stéréotype raciste est aussi à déplorer) et des proies crédibles. Les femmes représentent des personnes qui existent vraiment. On peut supposer une intention de porter préjudice à ces femmes en particulier.

En cela, ce jeu constitue une cyberviolence sexiste qui peut avoir des conséquences sur la santé mentale et physique des victimes ciblées. Mais plus largement, ancrer les personnages dans des identités réelles ne fait qu’encourager les joueurs à appliquer des comportements criminels à l’égard des femmes en tant que groupe social. En ciblant quelques femmes, c’est donc toutes les femmes qui sont visées.  

 

Que faire ?

Dans l’idéal, il faudrait que jamais pareil contenu ne voit le jour, ou en somme, que le sexisme n’existe plus. Autant rêver, mais bon.

Dans un premier temps, pour lutter contre la culture du viol, ce serait déjà bien qu’une modération efficace soit mise en place. Sur Overwatch 2 la partie a été supprimée après des semaines d’accessibilité, malgré son nom équivoque de « Simulateur de harcèlement sexuel », mais nous la voyons réapparaître régulièrement.

Nous souhaitons une meilleure réactivité vis-à-vis de ce genre de contenu public sur nos jeux vidéo, pour créer des espaces plus sûrs pour les joueuses de jeu vidéo. Nous voudrions aussi que les plateformes corrigent les algorithmes qui poussent ce genre de contenu discriminant en tête des recommandations les plus populaires...

Article publié le 20 Avril 2023

Écrit par Sigrid, Daxx et Yod